Trois hommes condamnés à perpétuité pour le crash du vol MH17 en 2014
Un tribunal néerlandais a condamné jeudi trois hommes à la réclusion à perpétuité pour le crash du vol MH17 de Malaysia Airlines au-dessus de l'Ukraine en 2014, au début d'une guerre qui, huit ans plus tard, a plongé le monde au bord d'un conflit mondial.
Les Russes Igor Guirkine et Sergueï Doubinski et l'Ukrainien Leonid Khartchenko ont été reconnus coupable de meurtre et d'avoir joué un rôle dans la destruction d'un avion. Ils ont été condamnés par contumace car ils ont refusé d'assister au procès, qui a duré deux ans et demi.
Le Russe Oleg Poulatov, le seul à avoir été représenté par un avocat, a été acquitté.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué cette "décision importante". "La punition pour toutes les atrocités russes - à la fois d'hier et d'aujourd'hui - sera inévitable", a-t-il ajouté.
La Russie a dénoncé jeudi une décision "politique". "Le procès aux Pays-Bas a toutes les chances de devenir l'un des plus scandaleux dans l'histoire des procédures judiciaires", a réagi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Les 298 passagers et membres d'équipage ont été tués lorsque l'avion reliant Amsterdam à Kuala Lumpur a été touché au-dessus de l'est de l'Ukraine tenue par les séparatistes pro-russes, par un missile BUK identifié comme provenant de la 53e brigade de missiles anti-aériens de Koursk en Russie, a déclaré le tribunal.
Des larmes coulaient sur les joues de proches des victimes venus du monde entier pour assister à l'énoncé de ce verdict très attendu devant un tribunal hautement sécurisé près de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, d'où le Boeing 777 avait décollé le 17 juillet 2014.
"Le tribunal qualifie les accusations prouvées de si graves qu'il estime que seule la peine de prison la plus élevée possible serait appropriée", a déclaré le juge président Hendrik Steenhuis.
"Imposer ces peines ne peut pas enlever la douleur et la souffrance, mais espérons qu'aujourd'hui, des réponses ont été apportées sur qui est à blâmer", a-t-il ajouté.
Mais aucun des suspects n'était présent au tribunal car la Russie a refusé de les extrader.
- "Justice a été rendue" -
Le procès représente la fin d'une longue quête de justice pour les proches des victimes, qui venaient de 10 pays, dont 196 Néerlandais, 43 Malaisiens et 38 Australiens.
"Justice a été rendue. Nous voulions savoir la vérité, nous voulions que justice soit faite et cela s'est passé dans un verdict très équilibré", s'est réjoui Piet Ploeg, qui a perdu son frère, sa belle-sœur et son neveu.
"Le rôle de la Russie a été très clairement confirmé par la Cour, et il est au moins aussi important que celui des trois condamnés", a-t-il ajouté auprès de l'AFP.
Le crash du vol MH17 a été provoqué par le tir d'un missile depuis un champ agricole près de Pervomaïskyi (dans l'est de l'Ukraine), tuant tous les passagers, selon le tribunal.
Le drame avait suscité l'indignation mondiale et entraîné des sanctions contre Moscou. Les célèbres champs de tournesol ukrainiens avaient été jonchés de corps et de débris, et certaines victimes, dont des enfants, étaient encore attachées à leur siège.
Les juges ont estimé que Igor Guirkine, Sergueï Doubinski et Leonid Khartchenko pouvaient être tenus pour responsables du transport du missile depuis une base militaire en Russie et de son déploiement sur le site de lancement, même s'ils n'ont pas appuyé eux-mêmes sur la gâchette.
Il n'y avait pas suffisamment de preuves pour démontrer que Oleg Poulatov était impliqué, ont-ils déclaré.
Tous les suspects étaient membres d'un groupe armé combattant le gouvernement ukrainien, au service de la République populaire de Donetsk, qui, selon les juges, était directement contrôlé par la Russie.
- "Abondance de preuves" -
Igor Guirkine, 51 ans, ancien espion russe devenu ministre de la Défense de la République populaire séparatiste de Donetsk, était régulièrement en contact avec Moscou, notamment au sujet du système de missiles, a déclaré le tribunal.
Leonid Khartchenko, 50 ans, qui aurait dirigé une unité séparatiste, a reçu des ordres directs de Sergueï Doubinski, 60 ans, également lié aux services de renseignement russes, pour amener le missile vers le lieu de lancement.
Ils avaient apparemment l'intention d'abattre un avion militaire ukrainien plutôt qu'un avion civil, mais cela ne change rien à leur culpabilité, selon les juges.
Le fait que la Russie ait toujours démenti d'avoir eu le contrôle de la région au moment du crash signifie que les accusés ne pouvaient pas revendiquer l'immunité contre les poursuites en tant que combattants, ont-ils ajouté.
Le tribunal a estimé qu'il existait "une abondance de preuves" pour déterminer que l'avion avait été détruit par un missile BUK et a rejeté toute autre "scénario alternatif" avancé par la défense, notamment une éventuelle implication d'un avion de chasse ukrainien.
Moscou a nié toute implication dans le drame et continue de rejeter les affirmations selon lesquelles la Russie contrôlait les rebelles séparatistes dans l'est de l'Ukraine.
Malgré le verdict, l'affaire n'est pas close, observe l'enquêteur de la police néerlandaise Andy Kraag. "Nous cherchons plus haut dans la chaîne de commandement", a-t-il déclaré.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a qualifié les condamnations d'"étape importante" mais a également déclaré qu'elles n'étaient "pas la fin".
A.Saggese--PV