Une page d'Histoire se tourne: l'heure des adieux à Elizabeth II est venue
Après un raz-de-marée d'hommages populaires, le monde dit adieu lundi à Elizabeth II lors de funérailles magistrales à Londres, où dignitaires du monde entier salueront une souveraine à la renommée planétaire, qui avait consacré ses 70 ans de règne à la couronne.
Avec une pompe au déroulement millimétré et inlassablement préparé, ces funérailles religieuses devant 2.000 invités à l'abbaye de Westminster achèvent un deuil national marqué par une immense vague d'émotion collective depuis le décès le 8 septembre d'Elizabeth II dans son château écossais de Balmoral.
A l'aube, les tous derniers membres du public se sont inclinés devant le cercueil de la reine, exposé 24 heures sur 24 pendant cinq jours sur un imposant catafalque, surmonté de la scintillante couronne impériale, dans la plus veille salle du parlement britannique, Westminster Hall.
Une dernière larme ou révérence, et le sentiment d'avoir fait partie de l'Histoire: comme des centaines de milliers d'autres personnes, elles avaient patienté des heures durant, dans le soleil ou le froid nocturne.
"C'est incroyable", confie à l'AFP la toute dernière visiteuse, Chrissy Heerey, avant de se joindre à la foule qui s'est déversée compacte dans le centre de Londres pour assister aux obsèques par grands écrans interposés ou entrapercevoir le cortège funèbre.
Ce sera "une longue journée mais cela en vaut la peine. Ce n'est rien comparé à ce que la reine a fait pour le pays", assure Mme Heerey, membre de la Royal Air Force.
- "J'étais là!" -
Pour ces premières funérailles d'Etat depuis celles de Winston Churchill à 1965, le gratin des dirigeants mondiaux s'est déplacé, du président américain Joe Biden à l'empereur du Japon Naruhito en passant par le président français Emmanuel Macron.
Après l'invasion de l'Ukraine, la Russie n'a pas été invitée. En revanche, la première dame ukrainienne Olena Zelenska est présente.
Jamais depuis des années Londres n'avait connu une telle affluence de dignitaires, et la police de la capitale n'a jamais connu un tel défi sécuritaire.
Les représentants des familles royales européennes dont le roi Philippe de Belgique, le roi d'Espagne Felipe VI et le prince Albert de Monaco prendront aussi place sous les arches gothiques de l'abbaye si liée au destin d'Elizabeth II, décédée à 96 ans. C'est là qu'encore princesse elle avait épousé à 21 ans en novembre 1947 le fringant Philip Mountbatten, avant d'y être couronnée le 2 juin 1953.
Le cercueil y arrivera en , suivi par le roi Charles III et des membres de la famille royale à pied. Il en repartira au terme de la cérémonie à 11H00 GMT pour un dernier voyage vers Windsor, à 35 km à l'ouest de la capitale, où reposera la reine.
Jeunes ou vieux, ils seront des centaines de milliers à ne pas vouloir perdre une miette de cet événement historique. La journée est fériée et certains ont dormi sur place pour s'assurer la meilleure place possible.
Pour des millions de Britanniques, Elizabeth II était la seule, l'unique, ancre rassurante de stabilité dans les convulsions d'un monde qui change.
"Cela fait partie de l'Histoire, jamais dans ma vie il n'y aura une autre reine", explique Bethany Beardmore, 26 ans, après une nuit sans sommeil. Elizabeth II était "quelqu'un d'admirable qui a tellement fait".
"Je parlerai de ce moment à mes enfants: Je dirai: j'étais là!", lance Jack, 14 ans, venu au petit matin avec ses parents à Hyde Park Corner, non loin de Buckingham Palace.
Pour Thay, homme de 59 ans, la reine apportait de la "stabilité" dans une vie "chaotique". Il espère que Charles fera de même "parce que nous avons besoin de quelque chose à quoi s'accrocher".
- Procession historique -
Après la cérémonie à l'abbaye de Westminster, prévue pour durer une heure et durant laquelle des dizaines de vols ont été annulés pour que le bruit ne vienne pas troubler la solennité du moment, le pays se figera pour deux minutes de silence.
Le cercueil quittera l'abbaye suivi par le roi Charles III, la reine consort Camilla et des membres de la famille royale, et sera à nouveau placé sur un affût de canon de la Royal Navy avant une procession historique, en grande pompe, dans les rues du centre de Londres, jusqu'à l'arc de Wellington, d'où il repartira en corbillard pour le château de Windsor.
Plus de 6.000 militaires y participeront.
De plus en plus frêle ces derniers mois, souffrant de problèmes de mobilité, Elizabeth II recevait encore, souriante, deux jours avant son décès, la toute nouvelle Première ministre Liz Truss, sa dernière photo publique. C'était la dirigeante en exercice la plus âgée du monde. Durant sa vie, elle a traversé la Seconde Guerre mondiale, vu la dissolution de l'Empire britannique, l'entrée puis la sortie de l'Union européenne.
- Roi accessible -
Avec Elizabeth II se tourne la page de la dernière reine planétaire, au règne unique par sa durée et son endurance.
Elle était au moment de sa mort, en plus du Royaume-Uni, reine de 14 royaumes, dont l'Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande. Certains de ces pays n'ont pas caché leur souhait de voir évoluer leur lien avec la monarchie.
Elle sera inhumée lundi soir dans l'intimité, dans le Mémorial George VI, annexe de la chapelle du château où elle avait vécu ses dernières années. Elle reposera près de ses parents et du prince Philip décédé en avril 2021. Ils étaient restés mariés 73 ans.
Après 12 jours épuisants de voyages dans les quatre nations constitutives du Royaume Uni, de bains de foule conjugués au deuil d'une mère, Charles III, 73 ans, devra écrire sa propre histoire.
Certains rêvaient d’une transition rapide avec le nouveau prince de Galles, son fils William, 40 ans. Mais Charles III a promis, comme sa mère, de servir toute sa vie.
Solennel, rassembleur, accessible et inclusif, ses premiers pas ont rassuré, avec la présence apaisante de Camilla à ses côtés.
Sa cote de popularité a grimpé en flèche, désormais à 70% selon un nouveau sondage YouGov qui place William à 80%.
Mais les défis, nombreux, ne font que commencer.
Le Royaume-Uni reprendra ensuite le fil de sa vie suspendue depuis le 8 septembre. La crise du coût de la vie et les mouvements sociaux devraient rapidement refaire la Une des journaux.
E.Magrini--PV