Le Musée de l'Homme explore l'odyssée humaine des migrations
Une affiche de "The immigrant" de Chaplin, des mappemondes, un gilet de sauvetage, une dent de -54.000 ans: à travers différents objets et en mélangeant les disciplines, le Musée de l'Homme à Paris propose d'aborder avec recul le "brûlant" sujet des migrations.
"Migrations: une odyssée humaine", qui s'ouvre mercredi a été conçu après le manifeste du Muséum national d'Histoire naturelle en 2018 qui affirmait que "+toutes les espèces migrent qu'il s'agisse de plantes, d'animaux ou d'humains pour de raisons variées+".
"Face aux débats houleux sur cette question devenue brûlante dans l'actualité politique, nous souhaitons replacer le fait migratoire à l'échelle de la planète et du temps long", explique en préambule la directrice du musée Aurélie Clemente-Ruiz.
Fruit de deux ans de travail, l'exposition, qui convoque à travers un comité scientifique une dizaine de disciplines de l'anthropologie à la génétique, de l'archéologie à la démographie, du droit à la géographie, s'est centrée sur l'espèce humaine avec une première partie essentielle sur "les mots de la migration".
Migrant, immigré, réfugié, sans-papier, expatrié: que recouvrent ces mots qui peuvent désigner des personnes négativement ou positivement et ont évolué dans le temps? Le visiteur prend conscience à travers des extraits de films, de documentaires et des dessins de presse satiriques de différents pays que ce qui renvoie aux migrations est le résultat d'une construction sociale et culturelle et nourrit l’imaginaire et les fantasmes.
Qu'ils soient polonais, chinois, espagnols, italiens ou africains ils sont accablés des mêmes accusations: feignants, sales, incapables de s'adapter et voleurs de travail peut-on entendre dans des reportages.
Les chiffres sont aussi mis en avant pour souligner que face aux discours alarmistes véhiculant l'idée d'une submersion, le nombre de migrants a certes quadruplé en 70 ans, mais que leur part dans la population mondiale reste faible et leurs déplacements plus complexes qu'il n'y parait.
La deuxième s'intéresse ainsi aux trajectoires en déjouant une fois de plus les idées reçues grâce des jeux interactifs et des témoignages de migrants qui évoquent les raisons multiples de leur départ. On apprend aussi que les migrants ont un niveau d'étude plutôt élevé ou encore que 48% d'entre-eux sont des femmes.
"Loin d'être exceptionnelle, la migration existe depuis l'émergence il y a 300.000 ans de l'Homo sapiens sur le continent africain", rappelle également Christine Verna, paléoanthropologue, chargée de recherche CNRS au Musée de l'Homme, en échos à la troisième partie de l'exposition consacrée aux origines de l'humanité .
L'étude de l'émail d'une dent, les découvertes d'empreintes attestant de l'arrivée de notre espèce en Amérique du Nord il y a 23.000 ans ou de céramiques préhistoriques sont là pour le prouver conclut le Musée comme pour mettre à distance les débats politiques.
O.Merendino--PV