IA: l’AFP conclut un accord avec Mistral pour l’utilisation de ses dépêches
Acteur majeur de l'information mondiale, l'AFP (Agence France-Presse) et l'entreprise d'intelligence artificielle française Mistral, qui ambitionne de devenir le principal acteur européen de l’IA, ont signé un accord qui permet au robot conversationnel de la start-up d'utiliser les dépêches d'actualité de l'agence pour répondre aux requêtes de ses utilisateurs.
Ni le montant ni la durée de ce contrat "pluriannuel" n’ont été dévoilés. C'est le premier accord de ce type pour l'agence mondiale, ainsi que pour Mistral AI, concurrent européen des géants américains comme OpenAI (concepteur de l'outil ChatGPT).
Dans le monde, ce type d'accord reste relativement rare, même si les choses se sont accélérées en 2024.
La plupart concerne pour l'heure OpenAI. La société californienne a notamment signé avec le journal économique britannique Financial Times, le quotidien français Le Monde ou encore le groupe allemand Springer (Bild).
"C'est le premier accord entre deux acteurs aux ambitions mondiales, voire à l'empreinte mondiale concernant l'AFP, mais aux racines européennes affirmées", a déclaré le PDG de l'agence, Fabrice Fries, dans une interview avec des journalistes de l'AFP.
Cet accord fournira à l'AFP "un nouveau courant de revenus", a-t-il souligné.
Pour Mistral, "l'AFP apporte une source vérifiée, journalistique, dont on pense qu'elle est très importante", a renchéri le patron de la start-up, Arthur Mensch.
- Actu ou vie quotidienne ? -
Dès jeudi, les dépêches de l'AFP en 6 langues (français, anglais, espagnol, arabe, allemand, portugais) peuvent être utilisées par le robot conversationnel de Mistral, Le Chat. Il fonctionne comme ChatGPT, qui a popularisé ces outils dans le grand public: l'utilisateur lui pose une question à laquelle il répond en quelques secondes.
Quand la question a trait à l'actualité, Le Chat va formuler ses réponses en se servant des dépêches de l'AFP, c'est-à-dire les informations envoyées sous forme de textes par l'agence à ses clients abonnés (médias, institutions, entreprises...).
Une phase de test a lieu dans un premier temps, auprès d'une partie seulement des utilisateurs.
Le Chat peut puiser dans toutes les archives texte de l'agence depuis 1983, mais pas dans ses photos, vidéos ou infographies.
Au total, cela représente 38 millions de dépêches, produites au rythme de 2.300 par jour, selon M. Fries.
Cet usage vise selon lui "des professions libérales, des cadres de grandes entreprises", par exemple pour "préparer des mémos" ou tout document lié à l'actualité.
Dans le grand public, beaucoup de gens ont une utilisation différente de ces outils d'IA générative. Ils s'en servent pour des questions de vie quotidienne, auxquelles ces programmes répondent en piochant des éléments sur internet.
Les deux usages "sont complémentaires", a estimé M. Mensch. Pour des questions "qui nécessitent de l'information vérifiée, c'est l'AFP qui fournira" le matériau de base des réponses et, quand les requêtes porteront "sur le shopping ou la météo par exemple, c'est plutôt le web", a-t-il expliqué.
- "Diversification" -
La signature intervient peu après l'annonce par le groupe Meta (Facebook, Instagram) de l'arrêt aux Etats-Unis de son programme de fact-checking. A l'échelle mondiale, l'AFP est en première ligne de ce programme.
"Nos discussions avec Mistral ont démarré il y a une petite année, ce n'est donc pas corrélé à la décision de Meta", a affirmé M. Fries, en revendiquant sa "stratégie de diversification" auprès des plateformes numériques alors que les médias traditionnels sont frappés par une grave crise.
En 2023, l'AFP a réalisé un bénéfice pour la cinquième année consécutive, avec un résultat net de 1,1 million d'euros, selon les chiffres publiés en avril 2024.
Outre ses revenus commerciaux, l'AFP reçoit par l'Etat français une compensation des coûts liés à ses missions d'intérêt général (113,3 millions d'euros en 2023).
Contrairement à d'autres accords de ce type, les contenus AFP ne serviront pas à entraîner et faire progresser les modèles informatiques de Mistral, ont assuré les deux parties. Ces contenus sont "un module qui vient se brancher à notre système et peut être débranché" à expiration du contrat, a déclaré M. Mensch.
"Ça n'est pas un paiement pour solde de tout compte, comme c'est souvent le cas dans les accords d'entraînement de modèles, mais du développement de revenus récurrents", a fait valoir M. Fries.
O.Pileggi--PV