Réparation: des cafés pas comme les autres pour créer des vocations
Au rez-de-chaussée de la Maison du zéro déchet, dans le XIIe arrondissement de Paris, un café associatif; au premier étage, un "repair café". Penché sur les entrailles d'une centrale vapeur récalcitrante, Gérard Etheve, 63 ans, détricote un méli-mélo de fils multicolores.
Après quelques tests au multimètre, cet ingénieur électronique à la retraite est catégorique: "C'est la pompe, elle n'aspire plus l'eau", explique-t-il à Hélène, une passionnée de couture qui participe pour la première fois à un "repair café", un concept d'atelier de réparation collaboratif et gratuit né à Amsterdam en 2009.
Pince ou tournevis en main, les débutants se font aider par les plus expérimentés, n'hésitant pas à leur poser des questions pour comprendre le fonctionnement d'une électrovanne, ou la différence entre un watt et un volt.
"Les repair cafés, c'est attrayant car il y a un partage de connaissances", confie Julien, 25 ans, ingénieur et bénévole à l'association Repair café Paris, dont les événements pluri-hebdomadaires sont fréquentés par un public varié.
"On touche toutes les catégories sociales, de l'étudiant qui n'a pas d'argent mais qui veut réparer le mixeur de sa grand-mère, au quatrième âge, aux personnes en télétravail qui viennent sur leur temps du déjeuner", souligne fièrement Gérard.
Dans la séance du jour, Benoît cherche à ressusciter la platine CD de sa grande tante. Amine, lui, est venu avec l'espoir remettre en marche une boîte à sons pour son bébé.
"La réparation chez le distributeur coûtait autant que d'acheter du neuf", souffle le jeune papa, confiant en ses chances de donner une seconde vie à cette petite radio ovale.
En 2023, plus de 50% des objets amenés ont été réparés par l'association, soit deux tonnes de déchets potentiels évitées.
A l'échelle du pays, seuls 8% des appareils ménagers étaient réparés en 2022, contre 20% en 1990, d’après le Ministère de la Transition écologique et solidaire.
Si les "repair cafés" apparaissent comme une solution concrète et efficace pour augmenter le taux de réparation du petit électroménager, y amener une machine à laver ou un sèche linge s'avère plus ardu.
-"Créer des vocations"-
Pour ces produits plus encombrants, des distributeurs historiques proposent depuis quelques années des abonnements mensuels couvrant tout besoin de réparation, comme les offres Darty Max et Boulanger Club Infinity.
"Le développement de la réparation est un pilier de notre stratégie lancée en 2021", explique Régis Koenig, directeur réparation et durabilité du groupe Fnac Darty, évoquant un "changement de +business model+".
Le 1,1 million d'abonnés et environ 12 millions d'appareils couverts par Darty Max ont accru les besoins du groupe en main d'œuvre. Or, "on s'est heurté à quelque chose qu'on n'attendait pas vraiment: des réparateurs, il n'y en a plus", déplore M. Koenig.
Même son de cloche du côté du Gifam, le Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils et d'équipement ménagers, qui constate une "pénurie" de techniciens réparateurs. Il en manquera 3.000 dans la filière d'ici à 2027, estime le groupement, qui représente plus de cent marques.
Pour combler le fossé entre l'offre et la demande, les organisateurs des Journées nationales de la réparation, qui durent jusqu'à dimanche, ont fait de la formation un enjeu central.
Les quelque 200 "repair cafés" mis sur pied pendant ces journées "sont une façon de donner envie aux plus jeunes de mettre les mains dans le cambouis, connaître ces savoir-faire, et de créer des vocations", estime Rémi Reboux, chargé de mobilisation pour l'association Halte à l'obsolescence programmée, coorganisatrice de la mobilisation.
"On en aura besoin pour la transition écologique," conclut-il.
J.Lubrano--PV