Boeing publie une lourde perte, nourrissant l'espoir d'une fin de la grève
Grosse journée pour Boeing: l'avionneur américain a publié mercredi sa pire perte trimestrielle en quatre ans, mais espère la validation d'un nouvel accord social, qui mettrait fin à la coûteuse grève qui paralyse deux usines cruciales depuis mi-septembre.
Pas de surprise: Boeing a annoncé une perte nette de 6,17 milliards de dollars, plombée par de lourdes charges de cinq milliards dans ses branches Aviation commerciale (BCA) et Défense et Espace (BDS) qu'il avait dévoilées le 12 octobre. Le consensus des analystes de Factset tablait sur une perte de 6,12 milliards de dollars.
"Ma mission est assez claire. Remettre ce grand navire dans la bonne direction et rétablir Boeing dans sa position de leader que nous connaissons et que nous souhaitons", a indiqué Kelly Ortberg, patron de l'avionneur depuis début août, dans des commentaires accompagnant cette publication de résultats.
Selon un calcul de l'AFP, Boeing a enregistré plus de 31 milliards de dollars de pertes nettes entre début 2020 et fin septembre 2024. Sa plus importante perte trimestrielle a atteint 8,42 milliards, au quatrième trimestre 2020.
La branche BCA souffre du ralentissement de la production, afin de mettre en œuvre des mesures d'amélioration de la qualité après plusieurs années d'impairs qui ont culminé avec un incident en vol en janvier dernier.
Elle pâtit également du débrayage de plus de 33.000 ouvriers autour de Seattle (nord-ouest) - où Boeing est né en juillet 1916 -, qui paralyse depuis le 13 septembre les deux principales usines du groupe, produisant le 737 (son avion le plus vendu), le 777, le 767 et plusieurs programmes militaires.
La branche locale du syndicat des machinistes (IAM) a annoncé samedi un accord de principe "digne d'être considéré". Une première entente, annoncée le 8 septembre, avait été massivement rejetée par les syndiqués, qui avaient voté la grève immédiate.
Le nouveau projet d'accord prévoit notamment une hausse salariale de 35% sur quatre ans (l'IAM réclamait 40%), le rétablissement d'une prime annuelle revalorisée, un abondement patronal accru au plan de retraite et une prime de signature rehaussée.
- Ratification? -
Les adhérents d'IAM votent mercredi. Le résultat est attendu dans la soirée. En cas de ratification du projet d'accord, le travail pourrait reprendre dès vendredi.
"Je pense que ça va être un vote serré", a estimé mardi Jon Holden, président de la branche locale IAM-District 751, sur la chaîne CNBC.
En cas de rejet, "nous reprendrons les négociations. (...) C'est la seule option, nos membres feront ce choix", a expliqué M. Holden.
La reprise de l'activité est une priorité pour le groupe. En septembre, il a livré 33 avions, achevés avant la grève, mais les prochains mois devraient être frugaux.
Outre l'insatisfaction des compagnies aériennes, contraintes de revoir leurs programmes de vol depuis 2023, moins de livraisons signifie également moins de recettes - environ 60% du prix est payé à la livraison - et, par conséquent, une trésorerie chancelante.
Le géant de l'aéronautique peinait déjà à récupérer après les crashes d'avions de 2018 et 2019, qui ont fait 346 morts, et la pandémie de Covid-19.
Face au risque d'être rétrogradé en catégorie spéculative par les agences de notation financière, Boeing a annoncé au fil des semaines des mesures pour préserver sa trésorerie, dont une réduction de 10% de ses effectifs mondiaux (presque 171.000 employés fin 2023).
Et, pour la renflouer, le groupe a déposé le 15 octobre auprès du gendarme américain de la Bourse (SEC) un projet de levées de fonds d'un montant maximal de 25 milliards de dollars, valable trois ans.
Selon les experts, il devrait commencer par une augmentation de capital de 10 à 15 milliards de dollars fin 2024-début 2025.
L'avionneur a également obtenu une seconde ligne de crédit de dix milliards de dollars.
Les analystes de TD Cowen ont aussi évoqué des cessions d'actifs non stratégiques, identifiant une vingtaine de milliards potentiels.
La branche BDS donne également du fil à retordre à l'avionneur depuis un certain temps, car elle génère d'importantes pertes sur des contrats à prix fixes pour le gouvernement américain et pour l'agence spatiale américaine (Nasa).
Concernant les crashes, Boeing attend de savoir si un juge fédéral approuve un accord de plaider coupable conclu fin juillet lui permettant d'éviter un procès pénal. Dans le volet civil, plus de 90% des plaintes ont abouti à une transaction hors tribunal à ce stade.
Boeing "est comme un héros grec, un groupe autrefois quintessence de la grandeur américaine, un titan de l'industrie aérospatiale et de la défense, qui traverse une crise provoquée par ses nombreuses décisions", expliquaient récemment les analystes de Bank of America (BofA), estimant qu'il lui faudrait "au moins une décennie pour retrouver sa gloire d'antan".
O.Pileggi--PV