Violences conjugales mutuelles: six mois de prison avec sursis requis contre Mathias Vicherat et son ex-compagne
"Relation toxique", "vampirisation" et "obsession": six mois de prison avec sursis ont été requis jeudi à l'encontre de l'ancien directeur de Sciences Po Paris Mathias Vicherat et de son ancienne compagne Anissa Bonnefont, qui étaient tous deux jugés à Paris pour des violences conjugales dont ils s'accusent mutuellement.
"Ce n’est pas aujourd’hui le rôle de la justice de savoir à qui revient la faute de cette catastrophe conjugale", a déclaré le procureur de la République Florent Boura, assurant que dans cette affaire "compliquée", "les victimes sont aussi les coupables".
Mathias Vicherat était jugé devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour deux faits de violence volontaire à l'encontre de son ex-conjointe. Anissa Bonnefont, elle, était poursuivie pour violences volontaires au cours de l'année 2023.
Le ministère public a également requis l'interdiction pour les ex-conjoints d'entrer en contact pendant trois ans.
Pendant de longues heures, les deux prévenus ont détaillé tour à tour un quotidien de couple ponctué de disputes "quasi-quotidiennes" qui pouvaient durer "jusqu'à douze heures", un avortement qui les a "beaucoup abîmés", les tromperies supposées de M. Vicherat "avec une femme mariée", les séjours en service de psychiatrie et les accusations de viol, classées sans fuite.
C'est en juillet 2023, au cours d'une énième dispute, que Mathias Vicherat est accusé d'avoir étranglé sa conjointe. Quelques mois plus tard, le 30 septembre, il lui aurait cette fois-ci fracturé le poignet en tentant de saisir le téléphone qu'elle tenait, lui infligeant une ITT de 50 jours.
A Anissa Bonnefont, il lui est reproché des gifles, des coups de pieds mais également des coups de poings qui auraient conduit à une ITT psychologique de 30 jours chez M. Vicherat.
- "Pression permanente" -
A la barre, l'énarque de 46 ans a maintenu sa version des faits, contestant "formellement toutes les accusations de violences" dont il faisait l'objet.
Il affirmait avoir pris conscience "très tôt" d'être enfermé "dans une relation toxique", et que les seules fois où il intervenait, "c'était pour la calmer".
"Je vivais sous une pression permanente", a-t-il estimé, décrivant les multiples crises de jalousie de son ex-compagne à propos de la mère de son fils, Marie Drucker.
La défense de monsieur Vicherat à plaidé la relaxe. "Vous ne lui rendrez pas Sciences Po, vous ne lui rendez pas ses rêves, mais ce qu'il vous demande, c'est de rétablir c'est sa dignité", a plaidé l'un de ses avocats Me Patrick Klugman.
Anissa Bonnefont, elle, a reconnu plusieurs gifles, mais nié avoir donné des coups de poing et de pieds. "Je l’ai repoussé, certainement avec les mains", a-t-elle évoqué. Elle a aussi reconnu avoir été à l'origine des premières violences.
Au sein de cette relation, la femme de 40 ans a décrit une "sensation de vampirisation", un manque d'estime de la part de son ancien conjoint qui la "dévalorisait".
"Madame Bonnefont est avant tout victime", a martelé l'un de ses avocats Me Guillaume Barbe, estimant "inquiétant" qu'un haut fonctionnaire "puisse se présenter devant cette juridiction sans reconnaitre sa culpabilité".
"On peut devenir fou à force d'entendre une vérité à ce point là piétinée" a quant à lui insisté Me Sébastien Schapira, demandant au tribunal de ne pas renvoyer les deux prévenus "dos à dos".
Lors de l'audience, le tribunal a donné lecture de plusieurs SMS issus de leurs échanges.
"Ton poignet c’était un accident (...) Si tu vas porter plainte, tu vas me bousiller (...) Je t’aime Anissa, mal, mais je t’aime", lui écrivait entre autres Mathias Vicherat.
"Je suis désolée de ces coups que je te porte", lui avait quant à elle écrit Anissa Bonnefont.
L'affaire avait éclaté au grand jour le 3 décembre 2023. Après une énième scène de dispute entre Mathias Vicherat et Anissa Bonnefont, cette dernière s'était rendue au commissariat de police du VIIe arrondissement de Paris, suivie de près par son conjoint. Tous deux étaient alors placés en garde à vue.
Aucun n'avait finalement porté plainte, mais la justice s'était saisie de l'affaire.
Le décision a été mise en délibéré et sera rendue le 29 novembre.
O.Pileggi--PV