COP15: encore aucune avancée majeure pour espérer un "pacte de paix avec la nature"
Le monde n'a plus que huit jours pour sceller un accord historique pour enrayer la destruction de la nature. Mais à mi-parcours, la COP15 n'a enregistré aucune avancée majeure, tant sur la question brûlante du financement entre Nord et Sud que sur l'objectif phare de protéger 30% de la planète.
De l'avis général, les négociations entreront dans le dur jeudi, quand les ministres de l'Environnement des 196 membres de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) prendront à Montréal le relais de leurs délégués.
Mais les chances d'aboutir le 19 décembre à l'approbation d'un ambitieux "pacte de paix à la nature" - une vingtaine d'objectifs pour stopper la destruction des eaux, des forêts et du vivant d'ici la fin de la décennie - sont compromises si le projet d'accord reste en l'état.
Malgré des dizaines d'heures de travail pour les 5.000 délégués depuis le 3 décembre, le texte est très en retard, plombé par des dizaines de points toujours en négociations. Seuls cinq des 22 ou 23 objectifs envisagés avaient été tranchés.
"Les gouvernements progressent, mais pas assez vite pour préparer un texte propre à l'arrivée des ministres", regrette Alfred DeGemmis, haut responsable de la Wildlife Conservation Society (WCS).
Le temps presse: un million d'espèces sont menacées d'extinction, un tiers des terres sont gravement dégradées, la fertilité des sols et la pureté de l'eau compromises, tandis que les océans sont mise en péril par la pollution et le changement climatique.
"Nous sommes encore très loin du but, mais nous voyons la lumière au bout du tunnel", veut croire Marco Lambertini, patron du WWF international, qui constate "une implication plus constructive" qu'au début du sommet.
"On voit se dessiner un marché où les pays du Sud disent qu'ils n'accepteront pas de s'engager sur des ambitions fortes sans des financements correspondant en face", résume Sébastien Treyer, directeur général du think-tank IDDRI.
Le Brésil a réitéré samedi, au nom du continent africain et de 14 autres pays dont l'Inde et l'Indonésie, leur demande de "subventions financières d'au moins 100 milliards de dollars par an ou 1 % du PIB mondial jusqu'en 2030".
- Fonds mondial biodiversité -
Une augmentation jugée irréaliste par les pays riches, pour qui l'aide au développement dédié à la biodiversité en 2020 représentait 10 milliards de dollars par an en 2020.
"Si aujourd'hui on est à 10 milliards, parler de 100 milliards d'un coup tétanise la conversation", prévient l'ambassadrice française à la COP15, Sylvie Lemmet, alors que les pays riches ont tenu leurs engagements de doubler l'aide au développement dans la décennie précédente.
L'Union européenne s'oppose aussi à la création d'un nouveau fonds mondial sur la biodiversité, réclamé par plusieurs pays d'ici la COP16 de 2024 en Turquie.
Une solution jugée inefficace par le Nord, qui préfère pousser à une réforme de la finance mondiale, publique et privée, et à une meilleure utilisation des ressources nationales. Ainsi qu'à la réduction des subventions négatives pour la nature, notamment à l'agriculture via les engrais et les pesticides, objet de vifs débats avec le Brésil et l'Argentine.
Les Etats-Unis, même s'ils ne font pas partie de la négociation, faute d'avoir ratifié la Convention sur la biodiversité, jouent un rôle crucial dans l'équation financière susceptible de débloquer l'accord.
"Nous avons réapprovisionné le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) cette année, la contribution américaine a été plus importante que jamais", a souligné lundi l'ambassadrice environnement américaine Monica Medina.
Pour lever les obstacles, les yeux sont tournés vers la Chine, présidente de la COP15, jugée trop "attentiste" ou "passive" dans les couloirs du sommet.
Une critique balayée par l'ambassadrice française, qui salue une "présidence chinoise très impliquée", "à l'écoute des parties" et qui "s'engage bilatéralement".
Lundi, les négociateurs ont repris à huis clos les débats. "C'est encourageant", a déclaré lundi Elizabeth Mrema, cheffe de la CDB mais cela reste une "route semée d'embûches".
D.Vanacore--PV