Économiser l'eau pour remplir les piscines: le défi d'un camping des Pyrénées-Orientales
Une grosse cuve bleue concentre l'attention dans un camping d'Argelès-sur-Mer: elle doit récupérer des eaux de lavage de la piscine, un engagement pris par la profession pour pouvoir ouvrir la baignade aux touristes malgré la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales.
"La cuve récupère l'eau issue du lavage des filtres de la piscine, qui était jetée jusqu'à présent [...] Elle sera mise à disposition des pompiers", explique Grégoire Beaucamp, agent d'entretien du Front de Mer, camping d'un peu plus de 700 places à quelques mètres de la plage.
L'établissement a fermé son jacuzzi, réduit le temps d'écoulement des douches et fermé celles au bord des bassins, qui ne seront pas vidés en fin de saison.
Fini aussi le lavage quotidien à grandes eaux des abords des piscines, désormais c'est une auto-laveuse qui fait le travail. "Ça consommait environ 1.000 litres d'eau, maintenant c'est plutôt autour de 40 litres", indique Grégoire Beaucamp.
Entre une cascade artificielle et une fontaine en dauphin, des bambous sèchent au soleil. "On a mis du paillage pour préserver l'humidité du sol mais on a arrêté d'arroser", précise l'agent d'entretien de 36 ans, qui travaille ici depuis 15 ans.
Comme Le Front de Mer, tous les campings des Pyrénées-Orientales se sont engagés à travers la Fédération départementale de l'hôtellerie de plein air à prendre des mesures similaires pour réduire de 30% leur consommation d'eau.
La préfecture les a ainsi autorisés à remplir leurs piscines, malgré les restrictions d'eau qui l'interdisent aux particuliers dans le département le plus touché en France par la sécheresse, placé au plus haut niveau d'alerte.
- "Relâche" des réservations -
"Cette autorisation est discriminante par rapport aux autres publics", soutient Virginie Delaunay, membre de la Fédération pour les espaces naturels, une association locale de défense de l'environnement qui dénonce "le tourisme de masse" sur la côte, alors que la population d'Argelès-sur-Mer passe chaque été de 10.000 à environ 150.000 personnes.
La grogne touche d'ailleurs directement Joëlle Faille, responsable du Front de Mer: "Quand je vais dans les commerces, je ne dis surtout pas que je travaille dans un camping, les gens sont horribles... Pourtant ce sont nos clients qui les font vivre".
Le tourisme est en effet "la première économie du département", selon Aude Vivès, présidente de l'agence départementale du tourisme. "À 300 piscines collectives contre 27.000 individuelles, c'est là que le match s'est fait", souligne-t-elle.
Avec les quelques pluies sur les massifs ces derniers jours, "les barrages sont remplis et la situation est beaucoup plus positive", assure-t-elle. Selon elle, la médiatisation de la sécheresse et le discours de certaines associations participent à un "PO (Pyrénées-Orientales) bashing" défavorable au tourisme.
Le préfet des Pyrénées-Orientales, Rodrigue Furcy, a déclaré début juin avoir constaté "un trou d'air dans les réservations". "Mais c'est reparti", a-t-il ajouté, tandis que le président de la fédération locale des campings Paul Bessoles a souligné "une bonne résilience" de la clientèle.
Interrogé par l'AFP sur l'ampleur du phénomène, ce dernier n'a pas souhaité s'exprimer.
"On a eu une petite relâche début juillet, les gens ont eu peur de ne pas avoir la piscine, on a reçu pas mal de coups de téléphone", confirme Joëlle Faille.
Depuis son transat, Gérard Hary, retraité de 66 ans, est "content de l'avoir". "Madame n'aime pas se baigner à la mer", rigole-t-il.
Le vacancier de Clermont-Ferrand a bien lu les affichettes du camping incitant à économiser l'eau et dit faire attention: "Avant, on prenait deux, trois douches par jour. Maintenant on n'en prend plus qu'une seule."
Ursula Berlin, touriste allemande venue d'Hambourg, se réjouit aussi: "Pour ma fille de deux ans, c'est plus facile". Elle n'était pas au courant de la situation de sécheresse car elle n'a pas lu le mot de prévention dans le livret d'accueil, écrit en français. "On a juste vu que les barbecues n'étaient pas autorisés", indique-t-elle.
Le Front de Mer a pris cette mesure "par précaution" même si les grillades sont simplement réglementées. Le département est en effet depuis la mi-mai en risque "très sévère" d'incendie, après avoir connu en avril le premier grand incendie de l'année dans le pays, qui a parcouru environ 1.000 hectares.
C.Conti--PV