Branches mortes, moquette recyclée: "Art Paris" rejoint la vague verte
Matériaux recyclables, consommation énergétique réduite, écorces, poussière et peaux mortes: la foire d'art contemporain "Art Paris" démarre jeudi avec l'écologie comme boussole et la nature au cœur du processus artistique.
L'objectif est clair: "Réduire de 20% notre impact environnemental par rapport à l'année dernière", dit à l’AFP le commissaire général de la foire, Guillaume Piens.
L'événement se tient jusqu'à dimanche au Grand Palais éphémère, structure provisoire installée près de la Tour Eiffel en attendant la fin des travaux de restauration du Grand Palais, qui doit rouvrir en 2024.
"Nous avons numérisé des documents pour limiter l'usage de papier, refait la +homepage+ du site qui consommait beaucoup d'énergie. Pour les VIP, il y aura cette année une flotte de véhicules électriques", mais aussi un "restaurant sans viande" ou encore du champagne servi "dans des coupes en amidon de maïs", détaille-t-il.
Le passage à un éclairage plus économe devrait aussi permettre de réduire la facture d'électricité de "62,5%". Les trois tonnes de coton gratté qui recouvre les murs, ainsi que les trois tonnes de moquettes, habituellement brûlées après utilisation, seront recyclées pour l'usage du BTP, assure le directeur d'"Art Paris".
L'édition 2022 veut prendre ce virage écologique afin de réduire sa production de déchets, qui était de 16 tonnes l'année dernière, avec l'accueil de plus de 70.000 visiteurs.
L'organisation a donc misé sur "l'éco-conception": les postes polluants ont tous été identifiés et des alternatives trouvées.
Concernant l'acheminement des œuvres d'art, si son empreinte carbone globale n'a pas été précisément déterminée, les galeries ont joué le jeu du transport collectif pour diminuer le nombre de camions nécessaires et opté pour un emballage plus écologique.
- "Effet générationnel" -
Côté artistique, plusieurs exposants ont rejoint "spontanément" le mouvement en misant sur des créations consacrant la nature, remarque Alfred Pacquement, commissaire indépendant.
Des précurseurs du genre, en avance sur les préoccupations de leur époque, reviennent ainsi sur le devant de la scène. La jeune garde, plus politisée et en accord avec son temps, est propulsée sous les projecteurs avec des lithographies montrant la fonte des glaces, des structures en relief issues du recyclage, ou des paysages exposés au changement climatique.
"Le thème aurait pu paraître ringard il y a dix ou quinze ans. Aujourd'hui, les artistes sont moins timides par rapport à ce sujet", souligne M. Pacquement, parlant d'un "effet générationnel" lié à l'actualité.
"Quand on est artiste", s'intéresser aux "enjeux de son époque est inévitable", confirme Alice Audouin, commissaire associée, qui parle d'une "génération (d'artistes) née avec la crise écologique".
Les "poissons tranchés" d'Elsa Guillaume, qui évoquent de la nourriture reconstituée, renvoient à "l'industrialisation et à la pêche intensive". La pyramide de jerricanes de Romuald Hazoumé fait quant à elle référence à l'exploitation massive du pétrole en Afrique, détaille Mme Audouin.
D'autres utilisent des matières naturelles comme la poussière, la rouille ou "de la peau morte récupérée chez des podologues", pour traduire leur engagement.
"Je récolte mes matériaux et mes idées dans la forêt", raconte Vincent Laval, autre artiste se disant "éco-responsable" et "militant". "Écorces d'arbres abattus", "vraie fourmi sur une calebasse" et même un gong en branches mortes tressées: autant d'objets "oubliés" auxquels il veut donner une seconde vie.
Nombre d'artistes contribuent en outre financièrement à des actions en faveur de la préservation de l'environnement, en reversant une partie du fruit de leurs ventes.
Les futurs acquéreurs d'une pièce de la série "Amazonia" de Lucy et Jorge Orta deviendront ainsi "propriétaires moraux" et "protecteurs symboliques" d'un mètre carré de forêt amazonienne, sur un hectare acquis par le couple, explique sa galeriste Marguerite Milin.
D.Bruno--PV