Nouvelle plainte à Paris contre TotalEnergies, accusée de contribuer au "chaos" climatique
Trois ONG et huit personnes issues du monde entier ont déposé plainte mardi à Paris contre le géant pétrolier français TotalEnergies, ses dirigeants et actionnaires, accusés d'homicide involontaire ou d'atteintes à la biodiversité.
Les plaignants, menés par les ONG Bloom, Alliance Santé Planétaire et Nuestro Futuro, veulent mettre en cause pénalement le groupe pétrolier et ses plus hauts représentants "pour leur contribution au changement climatique et son impact fatal sur les vies humaines et non humaines", d'après un communiqué transmis à l'AFP.
Trois jours avant l'assemblée générale annuelle de TotalEnergies, prévue vendredi après-midi à La Défense, leur plainte simple a été déposée mardi matin au Tribunal judiciaire de Paris, qui comporte un pôle santé publique et environnement, et vise à obtenir l'ouverture d'une enquête et à terme, un procès.
Dans le détail, le document de près de 100 pages vise deux autres délits: mise en danger d'autrui ou abstention de combattre un sinistre.
Il cible TotalEnergies, son conseil d'administration, son PDG Patrick Pouyanné et certains de ses principaux actionnaires comme le groupe BlackRock et la banque centrale de Norvège Norges Bank, "qui ont voté en faveur des stratégies" qui seraient incompatibles avec la protection du climat.
La plainte est cosignée par huit "survivants et victimes du changement climatique" venant de France, Pakistan, Grèce, Belgique, Zimbabwe, Australie, Philippines, qui ont été affectés par de récents cataclysmes, comme les inondations dévastatrices au Pakistan en 2022, la tempête Alex en France en 2020 ou le cyclone Idai au Zimbabwe.
En Belgique, l'un d'entre eux, Benjamin B., aujourd'hui 17 ans et militant de l'environnement, a "risqué sa vie" en vain à l'été 2021 pour sauver son amie Rosa, alors âgée de 15 ans et morte sous ses yeux, emportée par les inondations records dans le nord de l'Europe.
- "Climato-sceptique" -
Pour les plaignants, "TotalEnergies est conscient de l'impact de ses activités depuis au moins 1971", mais a depuis "suivi une ligne climato-sceptique afin de (...) protéger ses investissements croissants dans les énergies fossiles".
En l'occurrence, le pétrole et le gaz dont les rejets issus de leur combustion réchauffent les températures de la planète.
En matière de biodiversité, TotalEnergies est accusé d'avoir joué un rôle dans la mutilation et la destruction d'espèces de coraux protégés dans les Antilles françaises ou dans la disparition programmée du lézard commun.
Claire Nouvian, directrice-fondatrice de l'ONG Bloom, spécialisée sur les océans, qui coordonne et finance l'action pénale, affirme dans le communiqué que "laisser faire (TotalEnergies, ses dirigeants et actionnaires) reviendrait à leur donner un droit au +globocide+. C'est impensable. C'est pourquoi nous sommes déterminés à arrêter les criminels climatiques".
"Bien que l'Agence internationale de l'énergie ait recommandé d'arrêter tout nouveau projet d'exploitation de combustibles fossiles à partir de 2021 dans son scénario à 1,5°C (de hausse de la température moyenne mondiale par rapport à l'ère préindustrielle, NDLR), TotalEnergies a continué à ouvrir des sites pétroliers et gaziers autour du globe", assène le communiqué de presse.
Les plaignants rappellent des déclarations d'août de Patrick Pouyanné: "J'assume de poursuivre mes investissements pétro-gaziers car la demande croît. Je respecte l'avis des scientifiques mais il y a la vie réelle".
"Les dirigeants et les actionnaires de TotalEnergies sont parfaitement conscients que le changement climatique tue, pourtant ils ont fait le choix cynique d'accroître la production de pétrole et de gaz pour une seule raison: maximiser les profits", accusent encore les plaignants.
Outre cette procédure, TotalEnergies est sous le coup de plusieurs actions judiciaires, au pénal ou au civil, à Paris ou à Nanterre notamment, lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux, dont certaines ont été rejetées. Cela va des accusations de "climaticide" à celles de "greenwashing", en passant par les atteintes aux droits humains...
TotalEnergies, dont les émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes représentent environ 1% des émissions mondiales selon les plaignants, assure viser la neutralité carbone en 2050, l'une des conditions d'après les experts du climat pour tenir l'objectif le plus exigeant de l'accord de Paris 2015 de rester sous la barre des 1,5°C.
Mais ses méthodes de comptabilité de ses émissions en la matière sont contestées par les militants écologistes.
R.Zaccone--PV