Robert Habeck, chef de file de Verts allemands déboussolés
Ministre de la crise économique ou de la révolution énergétique ? Robert Habeck, le chef de file des Verts allemands, se lance plein d'ambition dans la bataille des législatives après trois années houleuses dans le gouvernement d'Olaf Scholz.
A la tête d'un super ministère de l'Economie et du Climat, ce docteur en philosophie a dû piloter le paquebot industriel allemand dans la tempête provoquée par l'invasion de l'Ukraine, qui a notamment entraîné l'interruption des livraisons de gaz russe.
Les "Grünen" vont officiellement le désigner ce week-end pour mener la campagne des écologistes aux élections anticipées du 23 février 2025, avec l'espoir de relancer un parti en plein doute, qui a enchaîné les revers aux derniers scrutins régionaux.
Les sondages les créditent de 10 à 12% des suffrages, en net repli après les 14,8% obtenus aux élections nationales de 2021 ou le score de 20,5% lors du scrutin européen de 2019.
Un affaiblissement dont souffrent la plupart des formations écologistes européennes alors que les enjeux climatiques sont devenus terrain miné, avec des lois environnementales accusées de tous les maux.
Figure du courant "realos" incarnant la ligne centriste des Verts, Robert Habeck, 55 ans, en a aussi fait les frais, malgré son pragmatisme et ses talents d'orateur.
- Périples au Qatar -
"Les Verts ont été très rapidement étiquetés comme +le parti de l'interdit+ par leurs détracteurs", souligne la chercheuse Marie Krpata, experte de la politique allemande à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Les conservateurs allemands, bien placés pour remporter les législatives, en ont fait leur bête noire, rappelle la chercheuse, "l'incarnation des réglementations, de la bureaucratie qui impacte les citoyens et les entreprises".
Robert Habeck a dû reculer sur plusieurs projets phares comme sa loi sur le remplacement des chaudières au gaz et au fioul, qui a dressé une partie de l'opinion contre les "oukazes" du parti écologiste.
"Je suis allé trop loin", avait reconnu celui qui est aussi vice-chancelier, n°2 du gouvernement.
Il a tenu bon sur la transition énergétique avec une part d'énergies renouvelables dans le bouquet de production électrique allemand passée de 42% en 2021 à 52% l'an dernier et plus de 60% au premier semestre de cette année.
Mais certains objectifs climatiques ont été amoindris, sous la pression du parti libéral, membre de la coalition jusqu'à son éviction la semaine dernière par Olaf Scholz.
Critiqué à droite parce que sa politique aurait enfoncé l'économie allemande dans la crise, Habeck l'est aussi à gauche pour avoir fait trop de concessions, de la réouverture provisoire de centrales à charbon au durcissement des règles d'immigration.
Ses périples au Qatar ou en Asie centrale pour trouver des alternatives au gaz de Moscou ont fait grincer des dents les défenseurs des droits de homme.
"Ces compromis ont épuisé le parti" écologiste qui manque aujourd'hui "d'un cap clair", constate le quotidien Tagesspiegel.
- Parler vrai -
Mais les Verts ont aussi démontré "beaucoup de courage sur un certain nombre de dossiers, réalistes sur la Russie et à la Chine", parlant plus clair que le chancelier, souligne Maria Krpata.
Robert Habeck et sa collègue écologiste Annalena Barbock, ministre des Affaires étrangères, ont été les fers de lance des livraisons d'armes à Kiev, convertissant leur parti, dont le pacifisme était la marque de fabrique depuis 40 ans.
Vendredi soir, Habeck a lancé un appel enflammé pour une politique de sécurité européenne commune, devant le congrès des Verts qui va l'adouber.
Il a plaidé pour que l'Allemagne "mette son leadership au service" de l'UE, une critique indirecte à la diplomatie d'Olaf Scholz, souvent jugée trop terne.
Longtemps auteur à succès de livres pour enfants et de romans écrits avec son épouse, ce père de quatre garçons a récemment confié voir dans le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ancien comédien, "une sorte d'âme soeur".
Il a cent jours pour défendre son bilan avec le style direct et décontracté qui en font l'un des ministres les plus actifs sur les réseaux sociaux. Les plus exposés aussi : il a déposé, depuis avril, plus de 700 plaintes pour menaces et incitation à la haine afin de dénoncer des comportements qui "empoisonnent" le débat politique.
M.Romero--PV