Législatives au Japon: le parti au pouvoir perd sa majorité, sa coalition en suspens
Le parti du nouveau Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a perdu sa majorité à la chambre basse du Parlement après les législatives de dimanche, pour la première fois depuis 2009, selon des projections peu après la fermeture des bureaux de vote.
Ces premières projections de la chaîne de télévision publique NHK, basées sur des sondages sortie des urnes, attribuent au PLD entre 153 et 219 sièges.
Ces estimations ne permettaient pas pour l'heure de déterminer si la coalition du Parti libéral-démocrate (PLD) de M. Ishiba avec son partenaire du Komeito (centre droit) avait pu conserver à eux deux la majorité absolue --233 sièges sur 465.
Un tel résultat serait quasiment inédit dans l'histoire du PLD, qui a réussi à se maintenir au pouvoir pendant la quasi-totalité de ses 69 années d'existence --mais dont un scandale financier en son sein provoque la colère des électeurs.
"J'ai pris ma décision avant tout sur la base de leur politique économique et des mesures contre l'inflation", explique Yoshigiro Uchida, 48 ans, interrogé par l'AFP à la sortie d'un bureau de vote à Tokyo.
Mme Taniyama, 63 ans, qui préfère taire son prénom, reconnaît avoir voté "par élimination" car "c'était la seule façon".
La participation dimanche à 18H00 (09H00 GMT), deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, était de 29%, légèrement en retrait par rapport à celle des dernières législatives en 2021 à la même heure (31,6%), a annoncé le ministère des Affaires intérieures.
Environ 20% des inscrits ont par ailleurs eu recours au vote anticipé, a-t-il détaillé.
- Parti "orgueilleux" -
Shigeru Ishiba, 67 ans, avait lui-même convoqué ce scrutin anticipé peu après être devenu Premier ministre le 1er octobre, espérant bénéficier d'un état de grâce pour consolider son pouvoir.
Il a assuré samedi lors d'un meeting de campagne à Tokyo que le PLD voulait "repartir sur de nouvelles bases en tant que parti équitable, juste et sincère".
Le dirigeant a promis aux électeurs "un nouveau Japon", espérant appliquer son programme de renforcement de la sécurité et de la défense, de soutien accru aux ménages à faibles revenus et de revitalisation des campagnes japonaises.
Mais le PLD peine à tourner la page de son scandale de financement, qui avait déjà contribué à l'impopularité du précédent Premier ministre, Fumio Kishida.
Alors que Shigeru Ishiba s'était engagé à ne pas soutenir la campagne des membres incriminés, le quotidien Asahi a rapporté que le PLD avait versé 20 millions de yens (122.000 euros) aux sections locales dirigées par ces responsables, provoquant la fureur de l'opposition et amplifiant les doutes sur l'issue du scrutin de dimanche.
Shigeru Ishiba est également critiqué pour avoir fait marche arrière sur plusieurs sujets depuis son élection, comme la possibilité pour un couple marié de ne pas porter le même nom de famille, ou une plus forte taxation des plus-values.
Des médias locaux prédisaient avant le vote que M. Ishiba pourrait quitter son poste immédiatement en cas de défaite électorale afin d'en assumer la responsabilité, et deviendrait alors le Premier ministre resté le moins longtemps aux affaires dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le record est actuellement détenu par Naruhiko Higashikuni, avec 54 jours en poste en 1945. M. Ishiba est dimanche au 26e jour de son mandat.
- Opposition divisée -
Le Parti démocratique constitutionnel (PDC), la principale force d'opposition parlementaire, a nettement augmenté son nombre de sièges au Parlement selon la NHK (jusqu'à 191 d'après une première projection).
Son dirigeant, l'ancien Premier ministre Yoshihiko Noda, a critiqué samedi "la politique du PLD consistant à mettre en œuvre rapidement des mesures pour ceux qui leur donnent beaucoup d'argent".
"Une majorité de Japonais font confiance à M. Noda", dont le positionnement "n'est pas si différent de celui du PLD. "C'est fondamentalement un conservateur, à la politique très pragmatique", a souligné Masato Kamikubo, professeur de sciences politiques à l'université Ritsumeikan.
Mais une victoire du PDC est cependant "difficile car l'opposition est très divisée", a-t-il déclaré à l'AFP.
Selon son ampleur, ce revers électoral du PLD pourrait notamment affoler les marchés financiers, peu habitués à ce cas de figure, prévoient des analystes.
Un total de 1.344 candidats étaient en lice dans le pays dimanche, parmi lesquels une faible proportion de femmes --23,4%--, ce qui marque néanmoins un record dans un pays marqué par de fortes inégalités de genre.
R.Zaccone--PV