Géorgie: avant une manifestation d'opposition, le pouvoir assure que l'UE reste sa "priorité"
Le parti au pouvoir en Géorgie, vainqueur des législatives, a affirmé lundi que l'intégration européenne demeurait sa "priorité", en réponse à l'opposition pro-occidentale, qui l'accuse de dérive autoritaire prorusse et a appelé à des manifestations en fin de journée.
L'Union européenne s'est inquiétée de la victoire du parti Rêve géorgien au scrutin de samedi, appelant à enquêter sur des "irrégularités électorales". Berlin a relayé cette demande, évoquant "des irrégularités significatives".
Mais, voix discordante, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Moscou, est lui attendu lundi et mardi en Géorgie, un pied de nez à l'UE dont la Hongrie assure la présidence tournante.
Cette visite a provoqué la colère de Bruxelles. Le dirigeant hongrois "ne représente pas l'Union européenne", a taclé lundi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell.
Face à la polémique, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé a répété que la "principale priorité" de Tbilissi "en matière de politique étrangère est, naturellement, l'intégration européenne".
"Tout sera mis en œuvre pour que la Géorgie soit pleinement intégrée à l'UE d'ici 2030", a-t-il promis face à des journalistes, disant "s'attendre à un redémarrage des relations" avec Bruxelles, après de vives tensions ces derniers mois, sur fond de dérive autoritaire prorusse selon l'opposition.
- Manifestations attendues -
D'après des résultats quasi définitifs, le Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, était crédité lundi matin de 53,92% des voix, contre 37,78% à la coalition d'opposition.
Cette dernière, qui avait initialement revendiqué sa victoire sur la foi de sondages sortie des urnes samedi, refuse de reconnaître sa défaite et elle tentera lundi soir de faire entendre dans la rue avec une grande manifestation.
"Nous sommes témoins et victimes d'une opération russe spéciale, une forme moderne de guerre hybride contre le peuple géorgien", avait dénoncé dimanche la présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, sans préciser ses allégations.
Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a dit "fermement rejeter" ces accusations "totalement infondées", accusant Mme Zourabichvili de "tentatives de déstabilisation" de son propre pays.
L'opposition accuse le parti au pouvoir, dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, de rapprocher la Géorgie de Moscou et de l'éloigner d'une possible adhésion à l'Union européenne et à l'Otan, deux objectifs pourtant inscrits dans sa constitution.
L'ex-président Mikheil Saakachvili, aujourd'hui emprisonné et rival de M. Ivanichvili, a lui aussi appelé à des "manifestations massives" afin de "montrer au monde que nous luttons pour la liberté".
- "Attaque" à venir -
Une des composantes de l'opposition, la Coalition pour le changement, a annoncé renoncer à ses mandats parlementaires pour ne pas "donner de légitimité" au scrutin. Selon Mikheil Saakachvili, "personne" parmi les députés d'opposition, ne devrait entrer au Parlement.
Les observateurs internationaux de l'OSCE avaient évoqué des "pressions" lors du scrutin et énuméré un certain nombre de dysfonctionnements, comme des "cas d'achats de voix".
Malgré tout, "Rêve géorgien conserve une base de soutien solide en jouant efficacement sur les craintes d'une menace de guerre imminente" face à la Russie, relève auprès de l'AFP l'analyste politique Ghia Nodia.
D'après lui, "les conditions ne sont pas propices à de graves bouleversements (dans le pays, ndlr). Je m'attends plutôt à ce que Rêve géorgien lance une attaque de grande envergure contre les opposants, la société civile et les médias indépendants".
La Géorgie a été secouée en mai par de grandes manifestations contre une loi sur "l'influence étrangère", inspirée d'une législation russe sur les "agents de l'étranger" utilisée pour écraser la société civile. Mais cette mobilisation n'a pas suffi à faire échouer le texte.
Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion à l'UE et les Etats-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.
Certains dirigeants du Rêve géorgien sont en outre très critiques envers les Occidentaux. Bidzina Ivanichvili les a qualifiés de "parti mondial de la guerre".
Cette ex-république soviétique du Caucase est marquée par sa défaite dans une brève guerre en 2008 avec la Russie, et par la menace d'une nouvelle invasion, comme celle de l'Ukraine.
Moscou a des bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes dont le Kremlin a reconnu l'indépendance: l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.
H.Lagomarsino--PV