Le budget de la Sécu, nouveau crash-test à l'Assemblée, nouveaux revers pour le gouvernement
Après l'examen inabouti du budget de l'État, les députés ont entamé lundi dans l'hémicycle celui du budget de la Sécu en rejetant d'emblée ses premiers articles, mettant sous pression un gouvernement peu pressé d'utiliser l'arme du 49.3.
Premiers revers pour l'exécutif sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les trois premiers articles de ce texte ont été rejetés lundi soir, par une gauche davantage mobilisée que le camp gouvernemental - et avec le soutien ou l'abstention du Rassemblement national.
Exit notamment la rectification du déficit de la Sécu, revu à 18 milliards d'euros cette année au lieu des 10 milliards initialement prévus. Preuve d'une "insincérité budgétaire" pour le rapporteur Yannick Neuder (LR), qui a nommément mis en cause l'ex-ministre Aurélien Rousseau.
Désormais député du groupe socialiste, l'intéressé a répliqué en dénonçant la "pente dangereuse" de "tous ceux qui s'appellent républicains ici, qu'ils le mettent dans le nom de leur parti ou qu'ils le prétendent".
Puis son camarade Jérôme Guedj s'en est pris à un autre ex-ministre, Frédéric Valletoux, accusé d'avoir "rogné les dotations" des hôpitaux publics au profit des cliniques privées. "Escroquerie intellectuelle" et "propos mensongers", a répondu le député Horizons.
Passes d'armes révélatrices d'un regain de tension dans un hémicycle plus rempli que les derniers jours. Signe aussi de l'enjeu d'un budget de plus de 600 milliards d'euros, rejeté à l'unanimité en commission des Affaires sociales.
- "Revoir la copie" -
L'exercice a au moins permis de baliser deux points chauds du débat. D'abord les exonérations de cotisations patronales, que le gouvernement veut réviser pour récupérer au passage 4 milliards d'euros. Sauf que ses propres troupes - LR et macronistes - s'y opposent, de même que le RN.
Pour éviter un désaveu sur cette mesure, qui devrait faire l'objet d'un vote dans l'hémicycle mardi soir, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, s'est dite "ouverte à des évolutions".
Même chose sur l'autre article-clé, le très contesté gel des pensions de retraites, dont la revalorisation serait repoussée du 1er janvier au 1er juillet. Un coup de rabot également chiffré à 4 milliards, supprimé à la quasi-unanimité en commission et promis au même sort dans l'hémicycle.
Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin n'a pas exclu de "revoir la copie" pour "mieux protéger les petites pensions" avec une "compensation" pour les retraites inférieures à un seuil "par exemple de 1.200 euros".
Mais "j'attends aussi des propositions d'économies", a-t-il prévenu, le gouvernement abattant dimanche soir une carte potentiellement explosive: passer d'un à trois jours de carence et moins bien rémunérer les arrêts maladie des fonctionnaires, pour récupérer un peu plus d'un milliard d'euros.
Proposition clivante, à laquelle le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, s'est déclaré lundi "favorable" afin de "financer des mesures en faveur du pouvoir d'achat". A l'inverse, le coordinateur de LFI Manuel Bompard a dénoncé une "manière scandaleuse d'essayer de faire des économies".
- Options ouvertes -
Les premiers échanges dans l'hémicycle confirment que la partie sera serrée, d'autant plus que 2.000 amendements sont encore à examiner d'ici au vote programmé le 5 novembre. Improbable au regard de la vingtaine d'heures restantes en séance publique, quand il en a fallu trente-cinq au total à la commission pour achever ses travaux.
"Je ne vois pas comment on termine dans les temps", soupire une source parlementaire, qui anticipe un scénario semblable à celui de la partie "recettes" du budget de l'Etat, laissée inachevée samedi soir et censée reprendre après le budget de la Sécu.
Quand bien même les députés viendraient à bout de ce PLFSS, la copie gouvernementale risque d'être largement réécrite. Ce qui ne serait pas pour déplaire aux syndicats, qui ont appelé lundi les députés à "remanier profondément" le texte.
Au point de pousser l'exécutif à abréger le calvaire ? "On ne cède pas à la facilité du 49.3", s'est défendue la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon dimanche.
Toutes les options restent donc ouvertes, y compris un renvoi du projet de loi initial au Sénat si les députés rejettent le texte ou n'ont pas pu arriver au vote comme prévu le 5 novembre.
En parallèle, l'Assemblée a attaqué en commission des Finances l'examen de la partie "dépenses" du budget de l'État, avec quelques morceaux de choix dès cette semaine comme l'Éducation, l’Écologie ou la Justice.
A.Fallone--PV