Friedrich Merz, l'éternel aspirant chancelier se rapproche de son but
Rival conservateur d'Olaf Scholz, le chef de l'opposition allemande Friedrich Merz espère sortir de son rôle d'éternel opposant en prêchant un retour aux valeurs traditionnelles et un durcissement sur l'immigration pour contenir la montée de l'extrême droite.
Connu pour ne pas mâcher ses mots, il a accusé lundi le gouvernement d'Olaf Scholz de "laisser le pays dans l'une des pires crises économiques de l'après-guerre", avant le vote de confiance perdu par le chancelier qui va conduire à des élections anticipées le 23 février.
A 69 ans, le conservateur longtemps mis sur la touche par Angela Merkel paraît en bonne voie d'accéder au poste suprême, selon les sondages qui donnent une large avance à son Union chrétienne-démocrate (CDU) alliée à l'alter-ego bavarois CSU.
Les sociaux-démocrates aiment pointer l'inexpérience, selon eux, de ce millionnaire, pilote d'avion à ses heures et propriétaire d'un jet privé, qui n'a assuré aucune fonction ministérielle ou gouvernementale.
Interrogée sur ses capacités à être chancelier, Mme Merkel, ominiprésente dans le paysage médiatique depuis la sortie de ses mémoires, l'a défendu à sa manière.
"Qui est arrivé aussi loin doit bien avoir des qualités qui lui permettent d'y parvenir", a déclaré l'ancienne dirigeante au magazine Der Spiegel.
- Retour à droite -
Depuis qu'il a pris les rênes de la CDU en janvier 2022, Friedrich Merz a ramené sa formation à droite après le centrisme des années Merkel et a cherché à gommer son image d'homme du passé, animé uniquement par une soif de revanche contre l'ex-chancelière.
En 2002, elle l'avait écarté du poste stratégique de président du groupe parlementaire, provoquant son retrait de la politique en 2009.
Cet avocat d'affaires, père de trois enfants et marié à une juriste, s'était alors reconverti dans la finance, travaillant entre autres pour BlackRock, l'un des plus gros gestionnaires d'actifs au monde.
Taxé d'arrogance par ses détracteurs, connu pour ses sautes d'humeur, il avait essuyé les sarcasmes quand, tout en admettant être "millionnaire", il s'était défini comme appartenant "à la classe moyenne élevée".
Mais "Friedrich Merz est actuellement la réponse de la CDU au succès de l'AfD", le parti d'extrême droite qui séduit avec ses positions anti-woke et hostiles aux migrants, a analysé l'hebdomadaire Die Zeit.
Le député originaire de Rhénanie du Nord-Westphalie (ouest) défend volontiers les valeurs conservatrices traditionnelles.
Il s'est exprimé contre la parité entre femmes et hommes dans un éventuel gouvernement sous sa direction.
Et il critique de longue date l'emploi d'un langage respectueux de la pluralité des genres qui pousse selon lui les électeurs dans les bras de l'AfD.
- "Petits pachas" -
En matière de politique migratoire, il rejette l'héritage d'Angela Merkel (2005-2021), qui a acueilli des centaines de milliers de Syriens et d'Afghans lors de la grande crise de 2015.
Il exige des expulsions systématiques de demandeurs d'asile déboutés et des criminels, ainsi qu'une réduction des aides aux migrants.
Dimanche, il a réclamé que les Syriens, "très majoritairement des jeunes hommes" qui pourraient selon lui travailler mais ne le font pas, soient refoulés dans leur pays d'origine dans la foulée de la chute du dictateur Bachar al-Assad.
Même s'il exclut toute alliance avec l'AfD, il use parfois d'une rhétorique similaire.
Après des échauffourées fin 2022 à Berlin, quand des jeunes avaient aggressé des secouristes, il a désigné leurs auteurs présumés de "petits pachas" originaires de "l'espace arabe", qui "n'ont en fait rien à faire en Allemagne".
Auparavant, il avait accusé les Ukrainiens venus se réfugier en Allemagne après l'invasion russe, essentiellement des femmes et des enfants, de pratiquer un "tourisme social" visant uniquement à profiter des prestations sociales, avant de s'excuser.
Friedrich Merz n'en est pas moins l'un des plus fervents partisans déclarés de l'aide militaire à Kiev, où il a récemment rencontré le président Volodymyr Zelensky.
Sur le plan économique, il revendique une position libérale, même s'il s'est déclaré ouvert à une réforme du frein à l'endettement, mécanisme qui plafonne les nouvelles dettes mais entrave aussi les capacités d'investissement du pays.
Ancien élu au Parlement européen (1989-1994), il se présente enfin comme un Européen convaincu et ardent défenseur du moteur franco-allemand.
T.Galgano--PV