Venezuela: périr ou migrer, le difficile choix des malades de sclérose en plaque
Les mots des médecins résonnent dans l'esprit de Jaimar Tuarez comme une sentence implacable : "Vous souffrez de sclérose en plaques", mais "les médicaments dont vous avez besoin ne sont pas disponibles au Venezuela".
Sans ressources suffisantes pour couvrir les frais de traitement et d'examens dont elle a besoin, dont une ponction lombaire à 800 dollars, cette étudiante en psychologie de 22 ans a lancé une campagne sur la plateforme de collecte de fonds GoFundMe.
"Pour beaucoup de gens, l'option est d'émigrer", explique-t-elle à l'AFP depuis son appartement de Charallave, à 50 km de la capitale Caracas, disant chercher elle-même à partir à l'étranger.
Son cas illustre les difficultés croissantes ces dernières années auxquelles sont confrontés les malades chroniques au Venezuela.
En raison de l'intensité de sa dernière rechute, qui fait qu'elle ne peut quasiment plus se tenir debout, Jaimar Tuarez a dû renoncer à ses études et à son travail. Avec sa mère, victime d'un accident vasculaire cérébral, elle dépend financièrement de sa grand-mère, une manucure de 72 ans.
On lui a prescrit des stéroïdes, parfois utilisés pour traiter les rechutes, mais le traitement que lui fournit l'Institut vénézuélien de sécurité sociale (IVSS) n'est pas toujours disponible, et dans le privé il coûte près de 30.000 dollars.
Désespérée, elle a passé la veille de Noël à écrire à des institutions spécialisées de différents pays où elle pourrait se rendre pour y être traitée.
La sclérose en plaque est une maladie neurologique relativement répandue. En France, elle toucherait quelque 100.000 malades et près de trois millions dans le monde. Aucune donnée officielle n'est en revanche disponible au Venezuela, comme souvent dans ce pays plongé dans une grave crise qui a poussé sept de ses 30 millions d'habitants à émigrer.
- "A la dérive" -
"Je dois partir d'ici. Car quelles sont mes options? Que va-t-il se passer lors de la prochaine rechute, vais-je rester sans voix? J'ai 22 ans, est-ce que j'attends la prochaine rechute ici? Et tous mes rêves et projets ?", interroge la jeune femme en séchant une larme.
La situation "est grave, nous sommes à la dérive", déplore Maria Eugenia Monagas, 57 ans, également touchée par la maladie, mais dont les traitements sont payés par son mari et ses deux enfants, dont un vit à l'étranger.
Elle souligne, en se tenant à un déambulateur, que la sécurité sociale vénézuélienne est défaillante depuis 2016. En 2020, elle a commencé à fournir des médicaments génériques au compte-gouttes, certains d'entre eux "sans enregistrement sanitaire", dit-elle. "Beaucoup sont devenus handicapés ou sont morts par manque de médicaments".
Andrés Marcano est un traducteur de 53 ans de Caracas. La maladie lui a été diagnostiquée il y a 20 ans. Et depuis cinq ans, il est cloué la plupart du temps au lit, faute de traitement.
Actuellement, "certains patients récemment diagnostiqués reçoivent des médicaments génériques provenant d'Inde, mais ceux d'entre nous qui sont à un stade avancé ont besoin de médicaments plus puissants qui n'arrivent pas dans le pays", explique-t-il.
Le gouvernement du président Nicolas Maduro attribue ces difficultés aux sanctions américaines, quand d'autres évoquent des détournements de fonds impliquant d'anciens fonctionnaires du ministère de la Santé et de la sécurité sociale du pays.
A.Graziadei--PV