Entre pêche et vaccins anti-Covid, l'heure de vérité de l'OMC
Après une longue nuit d'intenses tractations en petits comités, les chefs de délégation des 164 pays membres de l'OMC devaient se retrouver jeudi en milieu de journée pour faire un point décisif sur les derniers projets d'accord sur les vaccins anti-Covid, la pêche et la sécurité alimentaire.
La directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala a affirmé qu'elle serait satisfaite si les pays pouvaient s'entendre sur au moins un ou deux sujets à l'occasion de cette 12e conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce.
Les ministres, réunis à Genève depuis dimanche, ont marchandé toute la nuit de mercredi à jeudi au siège de l'organisation.
"Bonjour depuis l'OMC !", a lancé la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, dans un tweet très matinal, accompagné d'une photo où l'on peut voir les premières lueurs du soleil qui illuminent le lac Léman.
Une photo similaire publiée presque au même moment par l'ambassadeur britannique Simon Manley, dans un tweet poétique: "Nous étions là à l'aube, au moment où la nuit se mue en petit matin".
Rien d'officiel ne filtrait sur un éventuel accord sur la pêche et les vaccins anti-Covid, les deux sujets phare de la réunion. Mais selon certaines sources des accords édulcorés pourraient être conclus.
"Nous restons optimistes quant à la possibilité d'arriver à des résultats vraiment positifs", a déclaré à l'AFP, Damien O'Connor, le ministre néo-zélandais du Commerce, sans toutefois vouloir entrer dans les détails.
Rien n'est garanti car les décisions sont prises par consensus et une seule dissonance peut faire capoter un accord.
De nombreux diplomates ont déploré ces derniers jours les vives réticences de l'Inde sur plusieurs des textes, y compris sur les subventions qui contribuent à la surpêche et à la prolongation du moratoire sur les droits de douane pour les transmissions électroniques.
- Amadouer l'Inde -
"L'Inde a toujours été un partenaire commercial réticent. L'Inde est connue pour sa réticence à signer des accords de libre-échange", a indiqué à l'AFP Harsh V. Pant, professeur au King's College de Londres.
"L'Inde a aujourd'hui le sentiment d'avoir plus de marge de manoeuvre que par le passé. Elle (...) pense qu'elle se trouve dans une situation géopolitique favorable dans laquelle tout le monde veut l'amadouer, et elle peut l'utiliser comme levier", a noté cet expert en politique internationale basé à New Delhi.
Le pays avait déjà été accusé par les ONG d'avoir empêcher la conclusion de l'accord sur la pêche lors de la précédente ministérielle de l'OMC fin 2017 à Buenos Aires.
L'Organisation n'a pas conclu d'accord majeur depuis la conférence ministérielle de 2013 à Bali.
Arrivée en mars 2021 à la tête de l'OMC, Mme Ngozi, première femme et première Africaine à diriger cette organisation créée en 1995, a promis de lui rendre son rôle sur la scène internationale, en particulier pour faire face à la pandémie de Covid-19.
A ce sujet, un premier texte en discussion vise à faciliter le commerce des biens médicaux nécessaires à la lutte contre les pandémies, tandis qu'un second texte - de plus grande envergure - demande la levée temporaire des brevets sur les vaccins anti-Covid.
La grave crise alimentaire mondiale provoquée par l'invasion russe en Ukraine, qui fait partie des greniers à céréales du monde, est au coeur des préoccupations des ministres à l'OMC. Une déclaration est en discussion pour les restrictions aux exportations.
Un autre projet d'accord vise à interdire les restrictions à l'exportation concernant les achats du Programme alimentaire mondial, une des principales agences humanitaires de l'ONU. Mais cette négociation était bloquée jusque-là par l'Inde.
L.Bufalini--PV