La CEDH condamne la France pour avoir fiché un homosexuel supposé, candidat au don du sang
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné jeudi la France pour violation du droit à la vie privée, après avoir conservé des données sur un Français supposé homosexuel, dont le don du sang a été refusé à plusieurs reprises.
Si la collecte et la conservation de données personnelles collectées par l'Etablissement français du sang (EFS) dans le cadre de la sélection des candidats au don du sang contribuent "à garantir la sécurité transfusionnelle", "il est particulièrement important que les données sensibles (...) soient exactes, mises à jour, adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités poursuivies, et que leur durée de conservation n’excède pas celle qui est nécessaire", insiste la CEDH dans un communiqué.
Lors d'une première tentative de don en 2004, Laurent Drelon, Français né en 1970, avait refusé, au cours de l'entretien médical préalable, de répondre quand il lui avait été demandé s'il avait déjà eu un rapport sexuel avec un homme. Il fut alors référencé comme "homosexuel" sur sa fiche de donneur et par la suite, systématiquement exclu du don de sang.
Vu le refus de répondre du requérant, "les données collectées, fondées sur de simples spéculations, ne reposaient sur aucune base factuelle avérée", considère l'instance judiciaire du Conseil de l'Europe.
En outre, une durée excessive de conservation de ces données "a rendu possible leur utilisation répétée à l'encontre du requérant", ajoute la cour.
La décision de la CEDH "est une grande victoire qui, rétrospectivement, démontre la grave discrimination subie pendant des décennies par les personnes supposées homosexuelles qui cherchaient à donner leur sang", a réagi Me Patrice Spinosi, avocat du requérant.
Depuis 1983, il était interdit aux hommes homosexuels de donner leur sang en raison des risques de transmission du sida. A partir de 2016, cette interdiction fut levée, mais soumise à la condition notamment d'une abstinence d'un an.
Ce délai a été ramené à quatre mois en 2019 puis complètement supprimé en mars dernier avec l'absence de toute référence à l'orientation sexuelle dans les questionnaires préalables au don.
A.Saggese--PV