Vendée Globe: le sommeil à bord, un "axe de performance fondamental"
S'endormir profondément de jour ou de nuit, par tranches de quelques minutes, entre deux alarmes et secoué les vagues: la gestion du sommeil est un "axe de performance fondamental" pour les skippers du Vendée Globe, dont dépend leur acuité physique et mentale.
Depuis son voilier, Sam Goodchild (Vulnerable) explique au téléphone avoir travaillé cinq ans avec un spécialiste pour analyser quels "stimulis extérieurs" troublaient le plus son sommeil: "alimentation, heure du coucher, lumière..."
"En respectant mes routines, j'arrive à rentrer rapidement en sommeil profond. Je dors entre 4 et 5 heures par jour, mais c'est du sommeil de qualité", affirme le skipper, qui a entamé le 10 novembre son premier Vendée Globe, tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance.
De son côté, Sam Davies (Initiatives Coeur) essaye de dormir "entre 40 et 60 minutes à la fois, selon les moments".
"J'essaye de plus dormir la nuit mais ça dépend des conditions, ce n'est pas toujours possible. Il faut aussi faire des siestes dans la journée, c'est bon pour le corps. Mais il y a aussi des moments où mon corps n'aime pas trop dormir, comme la matinée, le milieu d'après-midi", raconte la Britannique.
Aux commandes de bateaux de plus en plus rapides, incroyablement bruyants et très exigeants physiquement, les skippers du Vendée Globe dorment en moyenne 4 à 6 heures par 24 heures.
En principe, ils répartissent leur temps de repos entre des "cycles longs", de 45 minutes à deux heures, et des siestes de 15 à 20 minutes entamées "dès que possible", explique Laure Jacolot, médecin de la course. Mais plus les conditions météo sont difficiles, plus le rythme de sommeil des skippers peut être chaotique.
- "Adrénaline" -
La gestion du sommeil est pourtant un "axe de performance fondamental", souligne Laure Jacolot, et ce à plusieurs titres.
"Il y a la concentration et la prise de décision: se trouver à tout moment dans un état mental qui permet de faire les bons choix, d'analyser correctement les data. Il y a la forme physique et l'impact que peut avoir une dette de sommeil sur le métabolisme. Et puis la sécurité: fatigués, les skippers ont des réflexes moins rapides et risquent davantage de chuter, à bord voire par-dessus bord", détaille Laure Jacolot.
Sur son bateau, Charlie Dalin (Macif) a installé un matelas flambant neuf, fabriqué à ses mesures, bordé de coussins qui stabilisent son corps et dont l'inclinaison peut être adaptée quand son voilier se retrouve penché. Bras levé, il atteint d'un seul geste la souris de son ordinateur de bord.
"Ce n'est pas si difficile de dormir mais c'est difficile d'avoir un sommeil de qualité. Il y a l'adrénaline, les alarmes, le carbone du bateau qui transmet les vibrations, les températures très froides ou très chaudes dans la zone de vie", détaillait Charlie Dalin avant le départ.
Lui et sept autres skippers ont travaillé en amont de cette nouvelle édition avec le fabricant de matelas Bultex pour élaborer des couchettes "qui répondent à leurs besoins et sont adaptées à leurs voiliers", explique Francis Brême, responsable du développement de l'enseigne.
"Quand la quantité de sommeil n'est pas là, c'est sa qualité qui est importante. Les marins avec lesquels on travaille se sont aperçus qu'ils récupéraient mieux et plus vite, et avec davantage de sommeil profond, en étant couchés qu'en dormant par exemple sur un pouf", ajoute le docteur François Duforez, qui collabore avec les skippers et le fabricant.
Et malgré "les manoeuvres, les analyses météo, les conditions dégradées", attention à ne pas négliger son besoin de repos, dit Charlie Dalin: "En mer, on peut perdre sa lucidité sur le fait qu'on a besoin de dormir. C'est primordial pour avancer de garder le bon rythme."
A.Rispoli--PV