Crise énergétique: comment les hôpitaux se préparent à passer l’hiver
Le chauffage baissé dans les chambres à 22 degrés et un bilan complet sur le fonctionnement des dispositifs de secours, comme les groupes électrogènes: les hôpitaux français se préparent à l'hiver, sur fond de flambées des coûts de l'énergie.
Pas de panique, la crainte de possibles délestages dans les hôpitaux a été balayée par le gouvernement. Ce dernier a a toutefois appelé mi-octobre les agences régionales de santé (ARS) à "anticiper les risques d’approvisionnement en électricité et gaz pour l’hiver 2023", notamment en recensant "tous les établissements qui seraient en situation de fragilité".
Par précaution, les hôpitaux doivent s'approvisionner en fioul au cas où ils devraient activer les groupes électrogènes de secours.
Les hôpitaux ne bénéficient pas du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour les particuliers et les petites entreprises. Ils craignent donc une envolée de leurs factures, "qui devraient être multipliées en moyenne par trois ou quatre", selon Rudy Chouvel, responsable développement durable à la Fédération hospitalière de France.
"Cela représente des millions d’euros et va rendre la gestion financière de beaucoup d’établissements très difficile", relève-t-il.
Le secteur hospitalier est un mastodonte: ses établissements publics et privés représentent 130 millions de mètres carrés, selon l’Anap, l'agence nationale qui aide les établissements de santé à améliorer leurs services. Soit une consommation électrique équivalente à celle de 5 millions de foyers.
- Blanchisseries et cuisines -
Outre l’électricité, les hôpitaux sont également de grands consommateurs de gaz pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, les services de blanchisserie ou encore les cuisines.
Les établissements les plus vulnérables face à cette envolée des cours de l'énergie sont ceux en fin de contrat avec leur fournisseur d'énergie ou en cours de renouvellement, explique Camille Devroedt, experte en développement durable à l’Anap, ce qui pourrait remettre en cause "la sécurité de leur approvisionnement".
Pour pallier ce risque, une centrale d’achat aide les établissements concernés en mutualisant les achats, ce qui leur assurera d’être alimentés en électricité et d'éviter les pénuries, précise-t-elle.
Mais plus que jamais, l’heure est à la réduction de la consommation énergétique dans les services hospitaliers. Les établissements sont encouragés à mettre en œuvre des mesures immédiates et à procéder à un audit de leur consommation énergétique afin de définir les possibles économies.
Parmi les mesures préconisées par les agents chargés de mener la transition énergétique au sein des hôpitaux, une température à 22 degrés dans les chambres des patients (contre souvent 24 degrés actuellement) et de 19 degrés dans les locaux administratifs.
- Sa propre électricité -
Le ministère de la Santé et deux agences nationales (CNSA et Anap) ont lancé le recrutement de 150 personnes dédiées à la transition énergétique des établissements sanitaires et médico-sociaux.
Julien Bestion est l'un d'eux et s'occupe de ces questions pour des établissements sanitaires et médico-sociaux dans le Tarn. Il est chargé de mettre en place des mesures "simples" (remplacer les ampoules obsolètes par des Led, installer des détecteurs de présence, fermer les fenêtres…) afin de réduire de 10% la consommation des 25 structures qu’il accompagne sur la voie de la sobriété énergétique.
Il souligne "l'importance de la pédagogie car tous ces gestes ne font pas encore partie des habitudes".
La crise actuelle de l’énergie accélère la nécessité d’agir rapidement pour réduire les dépenses en électricité et en gaz mais cette préoccupation n’est pas nouvelle dans le secteur hospitalier.
Ainsi, le CHU de Poitiers produit sa propre électricité depuis le milieu des années 1990. L'hôpital Saint-Louis à Paris, lui, réduit chaque année depuis 2017 sa consommation énergétique de plus de 2% (jusqu’à 6% en 2020).
"L’avantage de cette crise est que le court terme et le long terme s’alignent", avance Stéphane Pardoux, directeur général de l’Anap. Le sujet "fait consensus" et suscite "un véritable enthousiasme collectif au sein des établissements".
A.Graziadei--PV